La prime écrêtée, la crête supprimée…
Posté par gramier le 6 juillet 2011
D’après le Figaro-Pravda.fr
Décidement, les nouvelles anti-sauces s’accumulent et cela n’augure rien de bon pour notre démocratie. Après les frais du sénateur Pastor, ce sont les arrangements entre cumulards et clientèle qui sont dénoncés et démontés. Jusqu’où ira-t-on ?
Comme il y eu Torquemada, Bernard Guy, Pierre François Réal, Fouquier-Tinville ou encore, plus récemment, Eva Joly, nous assistons à l’installation, aussi incontestable que prégnante, des thèses du pugnace député Dozière, socialiste, dans le « débat politique », fameux pour ses dénonciations populistes et injurieuses du mode de vie dispendieux de l’Elysée. Cet homme est le premier ennemi de la Sauce, il est le ver dans le fruit, le Mr Smith de la Matrice administrative française, un virus jouant les « anticor », une sorte d’apôtre fanatique de la Sainte République Irréprochable, un calvino-robespierriste et supra commissaire aux comptes doublé d’un inspecteur de la Brigade Financière, qui a débuté il y a longtemps déjà, un travail de sape systématique de la pratique de la mouillette et de la sauce de fond de plat.
Nous apprenons aujourd’hui même que l’Assemblée Nationale a accouchée dans la douleur d’une abrogation de la pratique absolument géniale de « l’écrêtement ». Derrière se terme se cache une jolie recette telle que nos gastrolâtres d’élus ont si bien su en concocter depuis des lustres. Permettez nous de vous la faire partager : un élu cumulant plusieurs mandats ne peut percevoir plus de 8 500 euros par mois, dommage, mais c’est ainsi. Cumuler un mandat local et national par exemple n’a plus beaucoup d’intérêt pourrait on penser. Certes, même si l’on sait que l’implantation locale est une condition sine qua non à toute élection en tant que sénateur ou député. Mais à cet argument valable s’en ajoutait jusqu’à aujourd’hui un autre : si l’élu cumulait, il pouvait « partager » le montant des indemnités qu’il ne pouvait percevoir légalement. Un élu gagnant, avec son mandat de maire, de conseiller régional, de président de communauté de communes et de sénateur, la somme de 15 000 euros pouvait donc partager, avec les élus clients et friands de son choix, les 6 500 euros restant. Quand on parle de solidarité, on en trouve ici un exemple émouvant.
Or chacun sait que, comme le veut l’adage, « Gentil n’avait qu’un œil »… Beaucoup d’élus « cumulards » – aux multiples mandats locaux le plus souvent – semblent encore avoir les deux leurs… Prenons un élu au hasard : Patrick Balkany en 2008. Sa générosité allait jusqu’à reverser ses indemnités de député-maire qui dépassaient le plafond légal des 8 500 euros à une autre élue… de son cœur cette fois-ci, en la personne de la belle et fraîche Chevalière des Arts et des Lettres : Isabelle, son épouse.
On imagine la sagacité avec laquelle les députés ont adopté ce texte, proposé par le député Dozière et caché au milieu d’une série d’autres textes sur l’Outre-Mer, dans le but de ne pas trop exposer médiatiquement cette correction des us de nos représentants à qui l’on imposait alors presque de faire la charité. Ce qui ne manqua pas d’en faire réagir certains, qui sans doute votèrent ce texte (réclamé à corps et à cris par non moins que l’association Anticor elle-même), soulevant l’épineux problème que posait le fait de mêler ce texte anticorruption à des dispositions concernant les départements insulaires pourraient porter préjudice à leur image : en somme, « ces pauvres feignants et allocataires du RSA des îles, vous voulez aussi les faire passer pour des profiteurs du système par cet amalgame odieux, salauds ! » L’argument est exceptionnellement fallacieux et sibyllin, il faut avouer que la fin justifie qu’on sorte l’artillerie lourde de la mauvaise foi quitte à ce qu’il apparaissent disproportionnés. Il s’agit de l’avenir même des vocations politiques qui sont en jeu ici.
Si un cumulard, qui n’a déjà plus le loisir de profiter de l’entièreté de ses indemnités, se voit enfin dans l’impossibilité d’en faire profiter les copains contre de menus services, alors que restera-t-il de l’envie de sacrifier son dimanche matin pour aller se « prosélyter » sur les marchés du dimanche matin, vendre son beurre à la crémière, dans le froid, cherchant à convaincre des électeurs potentiels qui vous méprisent ou s’en tamponnent, toujours plus suspicieux et aussi inintéressants que leurs problèmes ? Entre justification des justificatifs de notes de frais, fin des fonds spéciaux dans les ministères, publicité des comptes de l’Elysée, plafonnement des dons aux partis politiques, ce n’est pas la République Irréprochable que l’on érige, mais bien la République à poils ! L’élu écrasé, observé, suivi, devant montrer patte blanche et s’expliquer sur ce qui constitue sa génétique même : celle de saucer sans vergogne, sans limite, sans peur et sans reproche, de profiter des rares privilèges qui lui reviennent en rétribution de ce grand sacrifice que c’est que de devoir représenter le vulgum pecum, s’habiller comme lui, parler comme lui… cela mérite bien de manger mieux que lui, non ? Cet argent restera désormais dans les coffres des collectivités… remarquez, si c’est pour financer des garderies et pérenniser la source des revenus, même presque tarie, de l’élu, c’est une maigre consolation…
En cédant aux sirènes de la gestion honnête des deniers publics on ne fait qu’assombrir un peu plus l’avenir, déjà bien grisâtre, de l’homme politique heureux, même si l’on voit émerger des petits soldats de plus en plus nombreux, nouveaux élus pleins d’illusions et de rêves imbéciles qui auront tôt fait de regretter la sagesse du ventre de leurs aînés en prélature républicaine. Cela dit, on se passe aisément de ce que l’on ne connaît pas, non ? Un épitaphe de plus à la Sainte Sauce…
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