Le peuple syrien a un visage…
Posté par gramier le 30 mai 2011
Hamza, 13 ans, torturé, sacrifié par la soif inextinguible de pouvoir, de domination de quelques personnes. Enième victime de la démence d’êtres humains pris par l’ubris, ayant perdu tout contrôle raisonnable sur eux-mêmes, d’hommes aveuglés par le devoir de servir leur cause injuste et inhumaine.
Faudra-t-il encore longtemps que des enfants de 13 ans soient ainsi mutilés par des adultes sadiques pour que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes trouve un écho parmi les démocraties ? El-Assad, hère de la honte et du crime, tyran syrien, ce vampire moustachu se repaissant de l’hémoglobine de son peuple, peut avoir tous les soutiens au Conseil de Sécurité de l’ONU qu’il veut, cela ne l’empêchera pas de tomber. La justice vaincra… ou pas. Sakineh aurait pu coûter cher au pantin du régime des ayatollahs, Ahmadinejad… ou pas. Car il faut croire que le règne de la brutalité d’un côté, la real-politik de l’autre, ont la peau dure et pour encore longtemps. Mais, une accumulation abjecte d’exemples montre qu’il faut parfois attendre la publicité du crime contre l’innocence, pour que naisse le souffle de l’Indignation, encore elle, au-delà des frontières et soit suivie d’effets. Il y a du Lévinas dans nos réactions, nous avons besoin d’un visage pour considérer l’autre. Une foule massacrée, reste une foule, le visage déchiré d’Hamza est le catalyseur puissant de l’existence d’un peuple écrasé. Toute cause nécessite ses martyres, malheureusement. Et dans des conditions atroces, les Syriens ont apparemment trouvé le leur.
Et nous ? Dans tout cela ? L’Europe a bien pris ses responsabilités face à Bachar le criminel : gel de ses intérêts, impossibilité d’obtenir un visa… mais pour plus de poids, il faudrait attendre une décision de l’ONU, et pour l’instant, les Chinois et les Russes se montrent réticents à décider de sanctions substantielles et multilatérales contre le dictateur sanglant.
Car lutter contre la real-politik, qui nous rend, cyniquement contre nous, complices des crimes contre l’humanité, cela demande des sacrifices que nous en sommes pas toujours prêts à faire. Collaborer avec la Chine, qui elle-même torture et massacre, qui craint chaque jour un peu plus le vent des révoltes démocratiques qui soufflent sur notre planète, collaborer avec la Russie, qui elle-même balaye les droits de l’homme d’un revers de main chaque fois que la raison d’Etat et des puissants est en jeu, s’allier la confiance de l’Arabie Saoudite, régime autocratique de quasi droit divin, qui elle-même n’a cure de la vie humaine dans beaucoup de cas : comment faire autrement ? Tout n’est pas uniquement real-politik, il s’agit souvent de simple diplomatie, dont le temps de réaction diffère de celui des armes automatiques.
On se sent indigne, justement, à parler de diplomatie alors qu’Hamza s’est vu brûlé, brisé, émasculé, souillé, nié, assassiné. La seule et piètre réaction qui nous est laissée dans l’immédiat, est d’implorer la Raison, pour qu’elle inspire ceux qui ont en leurs mains les moyens de faire cesser ce drame qui porte désormais un visage, il nous est laissé de crier, une fois de plus, que « nous sommes tous des insurgés syriens » et d’envoyer à nos frères en humanité qu’on écrase en silence, un message de soutient total dans leur trop juste combat pour la Liberté. Assad s’est flanqué d’une conscience, par le sang versé, il a doté son peuple d’un témoin indélébile du calvaire qu’il lui inflige. Hamza n’est pas mort pour rien, Hamza a offert un visage à son peuple. C’est le plus beau des sacrifices, le plus puissant des dons.
On ne tue pas impunément.
Longue vie au peuple Syrien, merci Hamza, et comme il est d’usage : « Repose dans la Paix, tu as eu le plus grand des destins, tu as été un ange contre les bêtes féroces, un homme contre les inhumains. »
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